L’école de cavalerie – partie 1

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[white_box]Cet article fait partie d’une série d’articles qui résument « L’école de cavalerie », écrit par François Robichon de La Guérinière au 18ème siècle.[/white_box]

Dans cet article se cache les définitions de deux objets dont tout le monde a oublié l’existence depuis des siècles. Les trouverez-vous ?

Digestibilité oblige, j’ai pris les partis suivants :

  • Le livre comporte 3 parties : je ne dissèque ici que la seconde partie, qui concerne l’art équestre.
  • Je divise le résumé de ladite seconde partie en deux articles de blogs.
  • Enfin, je me permets, dans les citations, de remettre l’orthographe et la ponctuation de monsieur de la Guérinière au goût du jour (plus exactement, au goût de l’époque où j’ai appris l’orthographe, c’est-à-dire au 20ème siècle).

Résumé

Ici seront résumés (et paraphrase et cite) les chapitres 1 à 8, que l’on peut grosso-modo rassembler dans un même thème sur la définition et les principes de l’art équestre. Un autre résumé sera consacré aux chapitres 9 à 22, qui sont plus axés sur les exercices et mouvements à enseigner au cheval et les différents usages auxquels les chevaux sont destinés.

Seconde partie – de la manière de dresser les chevaux, suivant les différents usages auxquels on les destine

Pour ceux qui voudraient vérifier l’exactitude de mon exposé, je les invite à ouvrir le tome 1 à la page 107.

Chapitre 1 – Pourquoi il y a peu d’hommes de cheval et les qualités nécessaires pour le devenir

« Sans cette théorie, la pratique est toujours incertaine. »

François (si je peux me permettre) démarre la seconde partie par un plaidoyer pour l’étude de la Théorie. Il évoque le fait que l’équitation (qu’il appelle cavalerie) soit trop souvent considérée comme un art où seule la pratique compte. Sans minimiser l’importance de la pratique, il rappelle les écueils de la pratique qui se passe de théorie.

Il regrette aussi que les précédents auteurs, les grands maîtres, n’aient pas laissé derrière eux des ouvrages plus détaillés. Il n’y a que deux auteurs qui vaillent le coup, d’après lui et la plupart des connaisseurs : Salomon de la Broue et le Duc de Newcastle.

Et si vous lisez ce résumé pour connaître le secret pour être un homme de cheval, un vrai, le voilà :

« La pratique nous donne la facilité de mettre à exécution de ce que la théorie nous enseigne ; et pour acquérir cette facilité, il faut aimer les Chevaux ; être vigoureux et hardi ; & avoir beaucoup de patience. Ce sont-là les principales qualités qui font le véritable homme de cheval. »

(Attention, précise La Guérinière, le cavalier doit être vigoureux, non pour violenter cheval mais plutôt pour tenir en selle sans le gêner.)

Chapitre 2 – Des différentes natures de chevaux, de la cause de leur indocilité & des vices qui en résultent

« Le véritable âge pour dressage un cheval, est six, sept ou huit ans (…) »

Il faut savoir reconnaître les chevaux bien conformés, courageux et dociles que l’on peut éduquer dans la justesse. Avec les chevaux mal conformés ou rebelles, on risque d’avoir recours à des moyens que le cheval comme le cavalier regretteront.

Il y a chez le cheval des défauts intérieurs et des défauts extérieurs.

Ces « défauts intérieurs » (ou vices de caractère) sont : la timidité, la lâcheté, la paresse, l’impatience, la colère, la malice, et la mauvaise habitude (cette dernière étant généralement dû à un cavalier qui a mal monté le cheval).

Ces vices sont la cause de cinq défauts du cheval de selle, qui peuvent être :

  • ombrageux = flippé pour un rien
  • vicieux = mord et/ou tape
  • rétif = n’obéit à aucune aide
  • ramingue = refuse l’éperon
  • entier = refuse de tourner

Parfois, ces défauts proviennent d’une mauvaise nature, et on ne peut pas y faire grand chose. D’autres fois, ils sont la faute des cavaliers précédents (dressage trop jeune, trop rapide, étapes bâclées).

Chapitre 3 – Des instruments dont on se sert pour dresser les chevaux

La bride et la selle ayant été décrits dans la première partie, ce chapitre s’attarde sur les autres pièces d’équipements spécifiques au travail du cheval :

  • La chambrière a une lanière en cuir et est utilisée pour mettre le cheval en avant et pour le dressage aux pilliers.
  • La gaule est une baguette de bouleau dont on se sert dans le travail monté.
  • Les éperons sont à molettes, avec pointes pas trop pointues mais collet assez long.
  • La longe, associée à la chambre, permet de longer.
  • La martingale est à bannir car elle à tendance à conforter les chevaux dans les défauts qu’elle tente de corriger ; lesquels sont battre à la main et donner des coups de tête.
  • Le poinçon est un instrument à pointe utilisé pour piquer le cheval et déclencher la ruade (pour aller vers des airs comme la cabriole, sans doute) – non utilisé par la Guérinière qui lui préfère un outil plus doux créé par Salomon de la Broue.
  • Les lunettes sont décrites comme deux petits chapeaux de cuir utilisées pour mettre sur les yeux du cheval, le rendre aveugle. Un cheval qui mord, tape, ou qui ne se laisse pas monter ? Hop, des lunettes et ça va mieux.
  • Le troussequeue permet d’envelopper la queue du sauteur (d’après la description, l’outil est sans doute similaire à ceux utilisés aujourd’hui pour les sauteurs du cadre noir).
  • Deux piliers installés au centre du manège sont utilisés pour apprendre le piaffer ou la levade.
  • Le caveçon de cuir est rembourré à la têtière et à la muserole.
  • Pour le caveçon de fer, M. de la Guérinière les préfère à muserole plate, car les dentelées écorchent le nez du cheval. L’outil est chaudement recommandé par Salomon de la Broue et le Duc de Newcastle. En gros, il prépare le cheval à la bride tout en préservant la bouche. Utilisé par un homme de cheval averti, il est merveilleux, mais entre les mains d’un cavalier sans expérience, il peut faire des dégâts.
  • Le bridon est sans muserole et avec un mors brisé. Il est notamment utile pour les jeunes chevaux, pour lesquels on utilise une embouchure plus grosse.
  • Le filet est un autre type de mors avec gourmette (mais toujours pas de muserole), plutôt utilisé pour emmener les chevaux à l’étrille ou à la rivière (le filet servait de licol ?!)

Chapitre 4 – Des termes de l’art

Un vocabulaire précis contribue à développer la connaissance d’un art. François donne donc ici la définition de termes généraux de l’art (d’autres parties seront consacrés aux termes des allures artificielles et défectueuses) : 

(Pour info : toute la liste n’est pas reproduire ici, sinon autant recopier le chapitre en entier !)

  • Le Manège a deux significations : il peut désigner le lieu où l’on exerce le cheval ou bien l’exercice en lui même du cheval.
  • Changer de main : terme qui provient des anciens écuyers, qui nommaient les parties du corps du cheval comme celles de l’homme, et disaient « main » pour « pied ». Changer de main signifie donc changer de pied.
  • Piste : chemin que décrivent le 4 pieds du cheval. Une piste = 4 pieds sur la même ligne, 2 pistes = 2 pieds de devant sur 1 ligne et 2 pieds de derrière sur l’autre ligne, etc.
  • Aides fines : mouvements peu apparents du cavalier, tandis qu’il garde le cheval en équilibre
  • Rendre la main : avancer la main pour adoucir la sensation sur les barres.
  • S’attacher à la main : main trop rude du cavalier. C’est le plus grand défaut qu’on puisse avoir à cheval.
  • Tirer à la main : le cheval tire ou lève le nez
  • Peser à la main : la tête du cheval s’appuie sur le mors, le cavalier est obligé de le porter, en quelque sorte.
  • Faire les forces : le cheval ouvre la bouche et porte la mâchoire inférieure de gauche à droite et vice versa
  • Parade : manière d’arrêter un cheval à la fin de la reprise
  • Reprise : leçon réitérée qu’on donne à un cheval
  • Ramener : faire baisser la tête ou le nez à un cheval qui le porte haut
  • Rassembler un cheval, c’est le tenir ensemble, c’est le raccourcir dans son allure ou dans son air pour le mettre sur les hanches
  • Piaffer : passage en place
  • Trépigner : mauvais piaffer aux battues précipitées
  • Falquer, falcade : l’action que fait le cheval en coulant les hanches basses & trides à l’arrêt du galop
  • Tride (mot de M. de la Broue) : mouvements des hanches du cheval lorsqu’ils les rabattent sous eux
  • Secourir : avoir recours aux aides pour inciter le cheval à avancer ou à se calmer.
  • Chevaler : quand un antérieur ou postérieur passe au-dessus de l’autre (dans les pas de côté, par exemple)
  • Dedans & dehors : ces mots sont parfois utilisés pour remplacer droite et gauche (ex : rêne du dedans = rêne à la main intérieure)

Chapitre 5 – Des différents mouvements des jambes des chevaux, selon la différence de leurs allures

Le cavalier qui ne connaît pas la mécanique des allures ne peut pas les travailler correctement.

Des allures naturelles

Les allures naturelles parfaites sont le pas, le trot, le galop. Chacune de ses trois allures sont décrites diligemment ; la description du galop inclut : galop à main droite et à main gauche, galop à faux, et galop désuni.

Des allures défectueuses

  • L’amble est une allure dans laquelle le cheval est beaucoup moins endurant qu’au trot.
  • Le traquenard, (décrit comme une espèce de tricotement de jambes semblable à un amble rompu) est l’allure du cheval qui commence à avoir les jambes « usées et ruinées », ou qui n’a pas une bonne condition physique.
  • Dans l’aubin, le cheval galope du devant et trotte du derrière. Encore une allure de cheval usé ou en mauvaise condition physique.

Des allures artificielles

« Les mouvements artificiels sont tirés des naturels »

Les airs bas (= près de terre) :

  • passage : « un pas ou un trot mesuré & cadencé »
  • piaffer : passage en place
  • galopade : « un galop uni, bien ensemble, raccourci du devant & diligent des hanches ; c’est-à-dire qui ne traîne pas le derrière »
  • changement de main : cheval qui change de pied, mais aussi cheval qui traverse le manège en allant d’un mur à l’autre
  • volte : en Italie (d’où vient le mot volte) la volte est un cercle d’une piste ; en France, il s’agit d’un cercle de deux pistes
  • passade : mener le cheval d’un bout à l’autre d’une même ligne, et repasser plusieurs fois
  • pirouette : « une espèce de volte qui se fait dans une même place & dans la longueur du cheval »
  • terre-à-terre : « galop en deux temps, qui se fait de deux pistes » – cet air sert de fondement aux airs relevés.

Les airs relevés (regroupe tous les airs plus détachés de terre que le terre-à-terre, où le devant et/ou le derrière du cheval s’élève) :

  • pesade : le cheval lève le devant haut, les postérieurs bien ancrés au sol
  • mézair : ou moitié air, il s’agit d’un air moins écouté et plus avancé que la courbette. on l’appelle aussi demi-courbette. Le cheval saute en élevant légèrement l’avant-main.
  • courbette : saut dans lequel le cheval est plus relevé du devant que dans le mézair.
  • croupade : saut dans lequel le cheval relève la croupe et ramène les postérieurs à la même hauteur que les antérieurs.
  • balotade : comme une cabriole où la ruade ne serait pas déclenchée.
  • capriole : « le plus élevé et le plus parfait de tous les sauts », le cheval saute et déclenche une ruade dans les airs
  • le pas & le saut : un temps de galop raccourci ou terre-à-terre, une courbette, puis une cabriole.

Chapitre 6 – De la belle posture de l’homme de cheval et de ce qu’il faut observer avant que de monter

« La grâce à cheval est un si grand ornement pour un cavalier, et en même temps un si grand acheminement à la science que tout ceux qui veulent devenir Hommes de cheval doivent avant toute chose employer le temps nécessaire pour acquérir cette qualité. »

Avec cette introduction au chapitre sur la posture, tout est dit ou presque. Recommandation complémentaire : Avant de monter un cheval, prendre une minute pour vérifier que l’équipement est bien en place et correctement ajusté.

« Rien n’est au dessus du trot pour donner de la fermeté à un cavalier »

La position du cavalier est décrite de la tête au pied, partie du corps par partie du corps. Lors de l’usage des jambes pour les aides, le mouvement des jambes doit venir de la hanche (penser haut de la cuisse) et non de la jambe. Mais le plus difficile, ce n’est pas d’adopter la position, c’est de la conserver sur un cheval en mouvement. Pour l’assiette et l’équilibre, rien de mieux que le trot sans étriers. Mise en garde pour la route : éviter de monter des sauteurs avant d’avoir acquis une bonne posture équilibrée.

Chapitre 7 – De la main de la bride et de ses effets

Une bonne main ne peut pas être réduite à la main en elle-même : l’assiette en fait partie.

La main de bride doit produire 4 effets :

  • rendre la main (l’abaisser, pour soulager le contact et laisser le cheval se porter en avant)
  • soutenir la main (la ramener vers l’estomac – pour le demi-arrêt, l’arrêt ou le reculer)
  • Tourner à gauche (en portant la main vers la gauche)
  • Tourner à droite (idem pour la droite)

On sépare les rênes (une dans chaque main) pour les chevaux qui ne connaissent pas encore la « main de bride ». Dans ce cas, lorsque l’on tourne, disons, vers la gauche, il faut relâcher la tension à droite, sans quoi le cheval ne comprend plus.

En temps normal, on tient les deux rênes dans la main gauche. On tourne alors en raccourcissant la rêne du côté où on tourne avec le petit doigt. Tourner à droite est plus délicat que tourner à gauche, non seulement parce que les chevaux sont naturellement plus raides à droite, mais aussi parce que les rênes sont dans la main gauche. Mieux le cheval est dressé, moins les effets de rênes pour tourner sont marqués.

La main doit être capable de 3 types d’appuis :

  • main légère = pas d’appui sur les barres
  • main douce = un peu d’effet mais sans trop d’appui
  • main ferme = appui à pleine main

Tout l’art est de savoir utilisé ces 3 appuis à bon escient en fonction de la bouche du cheval à l’instant T.

Pour effectuer une descente de main, soit on baisse la main gauche (qui tient les rênes), soit on passe les rênes dans la main droite, puis on la baisser sur le cou du cheval.

Chapitre 8 – Des aides et des châtiments nécessaires pour dresser les chevaux

On accoutume le cheval à approcher toutes sortes d’objets ; à supporter le bruit des armes et instruments de musiques, aussi bien que les claquements de langue et la voix du cavalier ; mais le plus nécessaire est le toucher : la bouche et les flancs sont éduqués aux aides et aux châtiments.

Les aides

L’air qu’est la main a déjà été évoqué au chapitre précédent, donc pas de redite. L’appel de langue est très utile mais on évite de l’utiliser en continue au risque d’y désensibiliser le cheval. La gaule est une aide si on se contente de la faire siffler (menace), ou de toucher légèrement le cheval avec. Dans le manège, on place la gaule côté mur. Cinq aides différentes dans les jambes : les cuisses, les jarrets (genoux ?), le gras des jambes (mollets), le pincer délicat de l’éperon, et le pied qui pèse sur l’étrier. Toutes ces aides légères supposent une grande sensibilité du cheval.

Et cette partie sur les aides est conclue par ce paragraphe que je retranscris tel quel :

« Il ne faut pas croire que cette grande sensibilité de bouche et de côtés puisse se conserver longtemps dans les chevaux qui sont abandonnés à l’Ecole : les différentes mains qui les mènent leur font perdre cette finesse et cette justesse, qui font tout le mérite d’un cheval bien dressé ; & le sentiment du toucher, si délicat, s’émousse avec le temps ; mais s’ils ont été bien dressés par des principes solides, lorsqu’un homme de cheval viendra à les rechercher, il fera bientôt revivre ce qu’une fausse pratique avait amorti. »

Les châtiments

Les aides permettent une demande au cheval, et s’il ne répond pas, il se trouve punit de sa désobéissance par le châtiment. L’intensité du châtiment doit être modulée en fonction du caractère du cheval :

« mais il faut que la violence des coups soit proportionnée au naturel du Cheval ; car souvent les châtiments médiocres, bien jugés et fait à temps suffisent pour rendre un cheval aisé et obéissant ; d’ailleurs on a l’avantage de lui conserver, par ce moyen, la disposition et le courage ; de rendre l’exercice plus brillant ; & de faire durer longtemps un cheval en bonne Ecole. »

Les châtiments sont obtenus par la chambrière, la gaule et l’éperon.

Il faut utiliser les châtiments au bon moment, sinon ils sont plus dangereux qu’utiles. Ne jamais punir un cheval par colère.

Et pour conclure :

« Enfin l’on peut dire que le ménagement des aides et des châtiments est l’une des plus belles parties de l’homme de cheval. »

Notes personnelles & réflexions

L’oeil a besoin d’un bref temps d’adaptation au vieux français (les s qui ressemblent à des f) et après, ça coule tout seul.

Difficile de se représenter les airs seulement d’après leur description, en revanche. Notamment le mézair et la courbette qui sont définis en faisant référence l’un à l’autre. Pour avoir lu d’autres bouquins de la part de cavaliers qui ont lu plus de vieux livres que moi, j’en ai une vague connaissance et je comprends à peu près ce que dit le monsieur, mais sinon pas évident.

Au niveau des principes généraux, rien de nouveau :

  • la patience et la douceur
  • le timing – en français dans le texte : le « bon moment »
  • la gradation dans les aides

Ce que j’en retire

Cette lecture a renouvelé ma motivation pour travailler à obtenir une réponse aux aides de plus en plus fine. Je suis désormais doublement attentive à cette recherche qui devient ma priorité. Ne pas faire de « collectionnite », à vouloir travailler le plus de mouvements possibles, mais chercher plutôt la perfection des mouvements simples.

Lisez la suite de cet article : les exercices à enseigner au cheval et les différents usages des chevaux.

Où se procurer ce livre ?

L’auteur est mort depuis plus de 70 ans, donc pas de droits d’auteur, donc en libre service sur l’interweb :

Et sur plein d’autres sites encore 🙂

Vous pouvez également acheter le livre papier sur Amazon, en deux tomes (ce qui est résumé sur Thebaine.fr correspond à la seconde partie de ce tome) :

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