Principes classiques, par Nuno Oliveira

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J’ai le plaisir de vous partager, sous la forme d’un résumé, l’un des textes de maître Nuno Oliveira : Principes classiques de l’art de dresser les chevaux. L’ouvrage est concis et agréable à lire. Si vous ne connaissez que peu le dressage classique, vous y trouverez une excellente introduction à la progression et au travail du cheval. Si vous baigné déjà dedans, il offre une vue de la philosophie générale à suivre pour continuer à progresser.

Résumé du livre

Panorama de l’actuelle équitation de dressage

Aujourd’hui  [Note : cet ouvrage a été rédigé en 1983], les chevaux allemands et l’équitation de tradition germanique se sont imposés dans le dressage de compétition. Dans cette équitation, les manifestations de légèreté sont « malheureusement fugitives et ne semblent pas faire partie d’une méthodologie. » Dans le monde du jumping, certains pros présentent même des chevaux plus légers et plus en équilibre que dans les épreuves de dressage. Mais revenons brièvement sur l’histoire de l’Art Équestre.

« Plus un cheval est fin et sensible, plus son dressage doit être fin. »

L’Espagne a conquis le monde grâce à ses chevaux, qui surpassaient de très loin ceux de leurs adversaires en maniabilité. Le reste de l’Europe souhaitant des montures aussi légères et maniables, une académie équestre est fondée en Italie à Naples. Pluvinel rapporte bientôt cette école en France. Avec l’Ecole de Versailles, puis plus tard l’Académie des Tuileries, se transmet le savoir d’une équitation adaptée aux chevaux ibériques : le Pure Race Espagnole a le vent en poupe. L’équitation change avec l’apparition du pur sang en Angleterre. Baucher adapte la sagesse de l’Ecole de Versailles, dans une équitation basée sur la légèreté, pour utiliser ce nouveau type de cheval plus chaud et plus léger. En Allemagne, Steinbrecht s’oppose à Baucher, mais un vrai connaisseur comprend que les deux maîtres disent grosso-modo la même chose. Plus tard, les allemands ont introduit du sang anglais dans leurs lignées et créé « en quelque sorte le prototype moderne du cheval de dressage« .

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L’épaule en dedans

« Chaque coin est un petit morceau d’épaule en dedans. »

L’épaule en dedans est un assouplissement fabuleux sous réserve d’être exécuté correctement. Pour faire exécuter une bonne épaule en dedans à un jeune cheval, exécuter un cercle à géométrie soignée, au terme duquel on déplace les deux mains vers l’extérieur sans tirer.

« Les deux mains tenant légèrement les rênes se déplacent vers l’extérieur et reviennent vers l’intérieur, en même temps que la jambe intérieure touche à chaque foulée (…) »Principes classiques, Nuno Oliveira

Progresser dans l’épaule en dedans en veillant à ce que le poids reste sur le postérieur intérieur plutôt que sur l’épaule externe. Rester bien au centre du cheval.  Conserver une demi-tension égale sur les deux rênes. Pour progresser encore davantage, entamer le mouvement en ramenant les épaules vers l’intérieur avec la rêne extérieure. Quand l’épaule en dedans est bien au pas, l’exécuter au trot.

« Je voudrais terminer ces lignes sur l’épaule en dedans en rappelant que chaque coin est un petit morceau d’épaule en dedans et qu’il y a quatre coins dans le manège. »Principes classiques, Nuno Oliveira

L’appuyer

« L’expérience montre que tant que le cheval n’est pas bien plié latéralement des deux côtés, on ne peut pas songer à avoir un dos qui remonte. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Un cheval à l’aise dans l’épaule en dedans peut apprendre l’appuyer.

Dans l’apprentissage, veiller à ce que la jambe extérieure cède lorsque le cheval cède dans ses hanches. Ne pas laisser les hanches dépasser les épaules (si ça arrive, pousser les épaules avec la rêne extérieure). A mesure qu’on affine l’exercice, on cherche une rêne intérieure de plus en plus légère et un cheval soutenu par la rêne extérieure et la jambe intérieure.

Progression des exercices dans l’appuyer :

  • Demander les premiers appuyers depuis la position de l’épaule en dedans à partir de la ligne du milieu
  • Depuis le début du grand côté vers la ligne du milieu
  • Commencer à ployer le cheval dans le coin pour lui demander l’appuyer tête au mur (ou travers)
  • S’arrêter de temps en temps dans la position de l’appuyer tête au mur
  • Exécuter le travers sur le grand côté, passer le coin, continuer sur le petit côté, terminer par un grand cercle hanches en dedans
  • Diminuer progressivement le rayon du cercle
  • Appuyer le long du grand côté, croupe contre le pare-bottes (renvers)
  • Continuer le renvers sur le petit côté
  • Exécuter un cercle en appuyant autour des épaules
  • Réduire progressivement le rayon du cercle
  • Commencer les contre-changements de main de deux pistes

Le cavalier doit avoir la préoccupation de rester au centre de son cheval dans tous ces exercices.

L’arrêt, le reculer, la demi-pirouette au pas

« Le corps du cavalier fonctionne comme le fléau d’une balance, jette du poids vers l’arrière-main. »

On se contente d’abord de rechercher calme et immobilité dans les arrêts. A mesure que le cheval développe de la rondeur, on progresse vers des arrêts carrés. Pour permettre au cheval de réaliser un arrêt carré – et non sur les épaules, le cavalier l’aide en redressant le buste de manière à reporter du poids sur l’arrière-main. Quand le cheval s’arrête léger et repars aussi léger au pas ou au trot sans modifier la position de sa tête, commencer à demander le reculer. Quand le cheval sait reculer léger, le cavalier doit apprendre à le renvoyer vers l’avant au rythme dans lequel il était avant le reculer.

Si le cheval se traverse dans le reculer, redresser les épaules par une rêne d’appui.

Lorsque le cheval est <à l’aise dans les arrêts et le reculer, demander la demi-pirouette. Le cheval doit l’exécuter sans bloquer les postérieurs.

Avec la préoccupation du cavalier de reporter du poids sur les hanches et d’avoir un contact léger, le cheval commence à soutenir ses gestes et à se rassembler : c’est le début de la cadence.

La cadence, les allongements

« La cadence, c’est le rythme dans une énergie accrue, ce sont des gestes plus soutenus, avec plus de vigueur, plus de tonus musculaire »Principes classiques, Nuno Oliveira

Chaque cheval travaille dans une cadence et un rythme qui lui sont propresLe cavalier doit étudier son cheval pour déterminer dans quel rythme travailler. C’est dans le maintient de la cadence appropriée que l’on parvient au rassembler.

Envisager l’allongement comme le piaffer : c’est par l’activité des postérieurs que le cheval couvre du terrain dans un cas et trotte sur place dans l’autre. Cette activité, l’impulsion, est le résultat des assouplissements : ils améliorent l’équilibre du cheval, l’aide à reporter du poids sur les postérieurs. Celui-ci peut alors allonger l’allure sans mettre du poids sur les épaules.

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Le galop, les départs

Pour enseigner au cheval les départs au galop à partir du pas, le plus facile pour le cheval est de demander d’abord des transitions du trot très rassemblé au galop. Commencer à marquer les aides qui seront celles du départ du pas. Quand le cheval exécute facilement ces départs, on peut commencer à lui demander depuis le pas.

Voilà ce qu’écrit Nuno pour expliquer l’importance d’établir des bases solides :

« C’est là, dans la perfection des transitions du galop au pas, que réside l’un des grands secrets des changements de pied corrects et rapprochés. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Pour commencer les départs à faux, doubler de la ligne du milieu vers le grand côté, et arrivé au mur, demander le départ. Augmenter très progressivement la distance couverte au galop à faux.

Quand le cheval commence à soutenir son rassembler au galop, on peut lui demander les appuyers au galop. Dans ce mouvement, le cheval doit sauter de côté et non pas glisser de côté.

C’est par une préparation progressive qui confirme le rassembler au galop que le cheval est apte à aborder changement de pied et pirouette sans qu’on les lui arrache ou force.

Les changements de pied

Demander le premier changement de pied avec des aides déjà légères, afin qu’il garde son calme.

Exécuter plusieurs départs à faux toujours au même endroit du manège. Partir au galop à juste, puis demander le changement de pied à l’endroit où étaient demandés les départs à faux. Récompenser le cheval qui a donné son premier changement de pied, repasser calmement au même endroit au galop à juste.

Rapprocher les changements de pied avec une progression très lente. Plus les changements de pied se rapprochent, plus grand est le degré de rassembler nécessaire.

Lorsque les changements de pieds aux temps sont abordés, commencer par en demander deux d’affilés, confirmer ces deux demandes consécutives avant d’en demander trois d’affilés. Continuer à progresser ainsi très lentement. Terminer les leçons par des changements de pied aux deux temps.

La pirouette

« La pirouette est sans doute l’un des exercices les plus difficiles à faire correctement. Rares sont les chevaux qui l’exécutent sans basculer l’encolure, en restant légers et ronds. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Pour une pirouette correcte, il ne suffit pas de réduire peu à peu un cercle hanches en dedans. Les exercices préparatoires sont de réduire le galop le plus possible, de travailler beaucoup sur la volte au pas en abaissant les hanches, de travailler beaucoup sur les cercles en épaules en dedans et en hanches en dedans.

Le buste du cavalier doit être plus en arrière que d’habitude et légèrement tourné vers l’intérieur. L’action de la jambe intérieure permet d’éviter que le cheval ne se couche sur l’épaule intérieure.

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Les mouvements de bascule de l’encolure sont un signe que le cheval n’a pas les hanches suffisamment décontractées pour fléchir correctement toutes les articulations des postérieurs. Pour éviter que le cheval ne bascule son encolure d’avant en arrière, entrer dans la pirouette avec des aides légères et, pendant la pirouette, pratiquer des descentes de main.

« Au début des leçons de pirouette, il faut être très sobre dans ses demandes et aller très progressivement car c’est un exercice dans lequel le cheval fait un effort considérable ».

Le piaffer

« Le piaffer, quand il est haut et lent, est l’un des airs les plus brillants qu’un cheval puisse exécuter. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Si le cheval connaît déjà le piaffer en main, il sera facile de le demander monté. S’il ne le connait pas à pied, veiller à chercher le piaffer dans la plus grande relaxation.

Le passage

« Le passage est la forme la plus artistique du trot rassemblé. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Le cheval étant léger dans un trot rassemblé, commencer par créer la cadence du passage par des actions de jambes alternées. L’allure doit rester courte et assise, l’énergie étant transmise du bas vers le haut. Ce sont les jambes du cavalier et non pas ses mains qui déterminent la direction dans le passage.

L’ordre d’enseignement du piaffer et du passage dépend de chaque cheval.

Préoccupations fondamentales du cavalier pour avoir toujours un cheval juste

« La préoccupation fondamentale du cavalier doit être la conservation du rassembler. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Quelques conseils :

  • Calme, décontraction, rectitude, cadence, énergie, promptitude de réponse aux aides
  • Revenir toujours aux exercices de base
  • L’éperon sert aussi à calmer
  • Sentir le dos et les jambes de son cheval, sentir s’il a une raideur ou une fatigue
  • Relaxer ses mains et veiller à garder un contact léger

Le travail à pied

Le travail à pied est une aide précieuse dans le travail du cheval, mais aussi un travail très délicat.

Commencer par lui apprendre, à l’arrêt, à ne pas craindre le contact de la cravache. Puis à partir au pas sur demande de la cravache. A fléchir la nuque sur des vibrations des rênes. A partir au pas tout en fléchissant nuque et mâchoire. Exécuter des cercles. Demander un premier pas de côté, puis en venir aux épaules en dedans. Envoyer les épaules en dedans dans la direction opposée au pli. Commencer à appuyer. Elargir et resserrer alternativement les figures. Reculer. Garder la flexion dans le reculer, un pas à la fois. Le faire piaffer, avec une main qui laisse par instants le cheval en liberté surveillée.

Aller très très progressivement, un pas après l’autre. Chercher à conserver toujours le calme du cheval, la légèreté dans la main. Récompenser par une friandise.

La légèreté dans l’action des jambes du cavalier

« Le cavalier qui utilise mal ses jambes mets les chevaux fins en désordre et est incapable d’affiner les chevaux mous. Celui qui les utilise bien s’accorde avec les deux. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Il n’y a pas que la légèreté de la main, il y a aussi celles des jambes. Les jambes du cavalier doivent être libres et décontractées, elles ne doivent pas enserrer le thorax du cheval à l’étouffer. Les jambes doivent être capables de toucher du haut du mollet jusqu’à l’éperon, et doivent savoir quand l’éperon touche le cheval. La vraie maîtrise de la jambe est fortement liée à une bonne assiette.

La descente de main et de jambe

« Les doigts s’ouvrent et le contact est plus moelleux, le cheval reste dans la vibration du mouvement ou de l’exercice, son attitude n’est pas altérée, on peut le laisser évoluer sur des rênes demi tendues et sans aucune action de jambes, seulement soutenu par le fléau de la balance (le buste dont la ceinture est décontractée). »Principes classiques, Nuno Oliveira

L’écuyer professeur

Pour transmettre, il faut être assez fin psychologue pour comprendre à la fois son élève humain et son élève cheval. Il doit presqu’être capable de sentir, tout en étant à pied, le cheval que monte son élève.

« L’écuyer professeur doit savoir reconnaître un résultat, même inférieur à ce que l’on souhaite, savoir encourager ou admonester, savoir faire comprendre ce qu’il veut obtenir par un langage imagé. »Principes classiques, Nuno Oliveira

Pour terminer

Avec cet ouvrage, Nuno Oliveira n’a pas souhaité imposer une méthode ni prétendre qu’il existe une seule façon de dresser les chevaux. Il a souhaité transmettre en revanche l’idée que la recherche de légèreté est la seule qui « donne des chevaux qui prennent plaisir à travailler tout en restant obéissants ». Il encourage en complément de la pratique, l’observation, la réflexion et la lecture pour approfondir ses connaissances.

Notes & Observations personnelles

Comment je l’utilise

Pas de recette de cuisine dans cet ouvrage, Nuno Oliveira nous livre pour chaque mouvement qu’il traite une tambouille d’idées, de bons conseils et de pistes à suivre. Il a rejoint dès sa lecture la pile des livres « références » : ces ouvrages vers lesquels je me tourne si je bloque sur une partie du travail ou sur un mouvement, que mes sensations me font défaut ou que les explications de mon enseignants ne suffisent pas. Avec ces Principes classiques, je puise un détail dans l’exécution ou une idée d’exercice qui va me débloquer en me permettant d’aborder le mouvement avec un angle légèrement différent.

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En pratique

Lisez ou relisez le chapitre qui correspond à l’étape actuelle de votre progression. Cherchez, dans ce chapitre, le détail qui pourrait faire la différence dans votre travail. Dans cette équitation, tout se joue souvent à un détail ténu. Appliquez-le. S’il porte ses fruits, réutilisez-le aussi souvent que nécessaire. S’il ne fait pas effet, utiliser l’introspection pour valider la qualité de votre interprétation de cet ajustement de l’exercice, ou bien essayez autre chose.
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Les « Principes classiques » vous intéressent ? Il est inclus dans les Œuvres complètes de Nuno Oliveira, que vous pouvez acquérir en librairie ou en ligne :

Œuvres complètes, par Nuno Oliveira

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