L’emploi des longues rênes

Odin aux longues rênes : la pesade

Le travail aux longues rênes est peu abordé dans les ouvrages d’équitation, et encore moins dans les ouvrages de dressage. Lorsqu’il est mentionné, il l’est dans le cadre d’une préparation à l’attelage ou d’une présentation raffinée du cheval dressé. Philippe Karl entend, avec cet ouvrage concis mais précis, donner les clés nécessaire au dresseur pour lui permettre d’utiliser les longues rênes tout au long de la progression du cheval dans le dressage.

Historique

L‘utilisation des longues rênes se développe au début du 19ème siècle. Son développement s’inscrit dans la recherche d’un procédé de dressage palliant aux limites des piliers.

Pourquoi les livres d’équitation et de dressage n’abordent-ils pas les longues rênes ? Cet outil n’est en général décrit que comme une technique de préparation à l’attelage ou un mode de présentation du cheval déjà dressé.
Mais les longues rênes présentent aussi un intérêt tout au long de l’éducation du cheval de selle : notamment, elles sont riches de possibilités tout en étant moins contraignantes que des enrênements ; elles permettent par exemple de mieux canaliser les hanches que dans le travail en main.

Philippe Karl expose comment on peut les utiliser en INITIATION dans le cadre d’un au débourrage ; en CONFIRMATION pour accompagner le dressage en selle ; en PERFECTIONNEMENT, pour faire progresser le cheval dans la voie du rassembler.

Éléments de gymnastique du cheval

La progression gymnastique du cheval (ou progression de dressage) repose sur une bonne compréhension de la locomotion de nos quadrupèdes, ainsi qu’une bonne connaissance de son anatomie, et des moyens d’action sur sa biomécanique. Philippe Karl reprend ces éléments dans le second chapitre. Ainsi, on attaque le travail en connaissance de cause.

Le matériel

Un surfaix à anneaux, une chambrière, un fouet d’attelage (substituable par une cravache de dressage) et des longues rênes : voilà en quoi consiste l’équipement nécessaire au travail aux longues rênes.

Initiation

L’aide principale de toute technique de travail à pied est la voix. Les autres outils (chambrière, rênes…) sont des appoints aidant à affiner l’obéissance à la voix.
Il est donc important pour le dresseur de bien éduquer le cheval à la voix, en s’assurant de la clarté de ses demandes et en répétant souvent.
L’objectif de tout dressage doit être d’améliorer l’impulsion : l’on cherche une réactivité du cheval plus grande tandis que les aides se font plus discrètes. Pour affiner la réactivité à la voix, l’emploi de la chambrière doit respecter quelques règles dont :

  • la demande vocale précède toujours l’intervention de la chambrière
  • l’utilisation de la chambrière doit être limité au strict nécessaire, tout l’art consistant à doser les interventions en graduant

Les premières leçons sont données en caveçon, les longues rênes étant passées dans les anneaux d’un surfaix, de part et d’autre du cheval. Le premier travail sera de lui inculquer le respect de la distance. Pour cela, le faire marcher droit sur la piste en restant à hauteur de ses hanches, renvoyer le cheval devant et à distance à l’aide de la rêne intérieure. Incurver le cheval sur la volte et le renvoyer en ligne droite dès qu’il se couche sur le cercle. Le cheval apprend progressivement à calquer ses déplacements sur ceux du dresseur.

Lorsque le cheval s’incurve correctement aux trois allures et aux deux mains, on peut aborder les changements de main. Il faut au préalable le préparer à voir le dresseur disparaître de son champ de vision et à le voir réapparaître de l’autre côté. Il faut aussi qu’il accepte les longues rênes sur sa croupe et derrière les jarrets. Les premiers changements de main seront exécutés au pas, en caveçon, par des demi-voltes et des demi-voltes renversées.

Ensuite, le cheval est prêt à démarrer le travail sur le bridon. Pour épargner la bouche et ne pas la « durcir » dans la suite du travail, le cheval doit se déplacer en fonction de la position du dresseur et des indications vocales de celui-ci. La main ne se préoccupe ainsi que du contrôle des attitudes du bout de devant.

On peut dès lors entamer le travail sur le huit de chiffre, la difficulté résidant dans le passage d’un cercle à l’autre : le cheval ne doit pas se coucher sur l’épaule extérieure avant d’inverser le pli de son encolure.

Pour initier le cheval à l’obstacle, commencer au caveçon puis en sur le bridon rêne intérieure inversée. Placer l’obstacle le long de la lice pour mieux encadrer le cheval. Attention à ce que rien ne risque d’accrocher les rênes sur l’obstacle ou son support.

Le dresseur devra veiller à ne pas précéder son cheval à l’abord, à bien rendre la main au planer, à accélérer son déplacement pour l’accompagner après la réception et l’engager sur un grand cercle en évitant l’obstacle. Retour au pas et récompense.

Une fois que le cheval est calme et confiant aux deux mains, on peut enchaîner deux obstacles à la suite ; on pourra également augmenter la difficulté en passant un obstacle à une main puis revenir dessus à l’autre main après un changement de main.

Le travail présenté dans ce chapitre constitue une excellent accompagnement de la préparation au débourrage : première gymnastique du cheval à bien s’employer, première approche de l’acceptation et du respect des aides.

Confirmation

Le travail aux longues rênes peut-être également poursuivi en parallèle du dressage, pour varier le travail et le pratiquer sans le poids du cavalier.

Le travail des transitions entre le pas, le trot et l’arrêt vont permettre l’amélioration de la mise en main (placer les longues rênes en position haute sur le surfaix pour éviter l’encapuchonnement).

Les premières cessions de hanches se feront sur le cercle et les longues rênes sont inutiles pour cet exercice : les cessions de hanches se feront donc en main et en selle.

Après les cessions de hanches sur le cercle, on peut progresser dans l’étude de la contre-épaule en dedans par les longues rênes. Le pare-botte empêche la fuite en avant, tandis que la rêne extérieure incurve et pousse les hanches sur la piste intérieure. On exécute par la suite l’épaule en dedans.

L’étude des appuyers démarre par la tête au mur. Aux longues rênes, la tête au mur se prépare à partir d’une volte ou d’un passage de coin et le dresseur se déporte vers l’intérieur pour tenir les hanches à l’aide de la rêne extérieure. Pour demander l’appuyer en lui-même, il y a deux écoles : le dresseur placé à la hanche extérieure, ou le dresseur placé à la hanche intérieure. Pour Philippe Karl, il ne fait pas de doute que la seconde solution est celle qui présente le plus de bénéfices pour le cheval, comme pour le dresseur.

On poursuit ce travail avec le cercle hanches en dedans, que le dresseur fait exécuter à son cheval aux longues rênes en attirant la croupe vers l’intérieur du cercle par la rêne extérieure – tout en veillant à préserver l’incurvation.

On poursuit également le travail à l’obstacle par la stylisation des sauts. Par des barres de réglages judicieusement positionnées à l’abord de l’obstacle, le dresseur apprend au cheval à optimiser la préparation de son saut.

Perfectionnement

Au stade de la confirmation, les exercices travaillés contribuent à parfaire la mobilité et l’équilibre. C’est à ce stade que les allures du cheval sont stylisées pour donner naissance aux airs classiques.

L’étude du Rassembler sera poussée à son plus haut degré et le cheval retrouvera, monté, l’aisance et la noblesse qu’il manifeste en liberté.

On perfectionne l’appuyer par l’exécution des contre-changements de main. Dans l’optique d’un travail à pied qui accompagne le travail en selle et permet une meilleure assimilation de celui-ci par le cheval, le dresseur aux longues rênes se doit de conserver un langage cohérent des aides, analogue à celui utilisé pour les contre-changements de main à pied.

Le rétrécissement progressif du cercle hanches-en-dedans amène à l’étude de la pirouette au pas. Pour veiller à garder les postérieurs actifs, il est prudent de s’en tenir à un tout petit cercle des postérieurs.

Le départ au galop rassemblé est d’autant plus facile à exécuter aux longues rênes que le cheval y est confirmé dans le travail monté.

La pirouette au galop est exécutée aux longues rênes à titre de test ou de présentation. Pour Philippe Karl, « aucune technique de travail à pied ne peut prétendre dresser un cheval à la pirouette ».

Le piaffer est un air qui gagne à être étudié en parallèle en selle et aux longues rênes. Dans un premier temps, préférer rester dans le champ visuel du cheval (derrière lui mais en piste intérieure), et tolérer un placer relativement bas pour aider le cheval à rester dans la main. Dans un deuxième temps, le dresseur se place derrière et utilise les deux rênes pour canaliser les hanches et demande au cheval de relever davantage l’encolure dans la mise en main.

Le cheval ainsi préparé est prêt à entrer dans le passage.

La pesade, « point culminant du rassembler », s’étudie à partir d’un piaffer dans lequel on demande davantage d’engagement des postérieurs jusqu’au point où le devant du cheval se lève. Les longues rênes facilitent l’entrée dans cet air.

Notes & réflexions

Sachez que, dans un souci de résumé et de concision, j’ai supprimé tous les passages qui ne concernent pas les longues rênes. Car comme Philippe Karl replace les longues rênes dans le contexte de la progression du dressage, il explique non seulement la bonne exécution de chaque mouvement mais re-détaille aussi la progression et quelques unes de ses subtilités.

Le fait que le livre reprenne ces bases de la progression lui permet d’être placé entre toutes les mains. La qualité des illustrations fait que même sans bien connaitre la progression du dressage, le lecteur n’est jamais perdu dans les mouvements présentés : schémas et photos à l’appui, chaque exercice est documenté avec clarté. Il reste néanmoins dense, et la lecture sera plus digeste avec une connaissance minimale du vocabulaire du dressage.

Je ne suis pas encore passée à la pratique avec cet ouvrage, mais la clarté limpide des explications de Philippe Karl et ma fascination pour ce petit ouvrage si simple et si dense à la fois font que je m’y attellerais certainement un jour ou l’autre.

Pou vous procurer ce livre paru aux éditions Belin :

L’emploi des longues rênes, par Philippe Karl


5 réponses à “L’emploi des longues rênes”

    • Merci à toi Marie 🙂 Philippe Karl avertit à plusieurs reprises des risques d’abîmer la bouche avec les longues rênes : à cause de la longueur, on a plus de levier qu’avec des rênes plus courtes et la tension est, de fait, décuplée. Le choix de cette photo comme couverture du livre, je le vois autant comme une mise en garde que comme un appel à éveiller l’intérêt de l’amateur ^^

  1. Comme tu le mentionnes, il est dense ! En le lisant il y a quelques années, j’ai été assez déçue. J’ai trouvé ça lourd, pas facile d’accès. Je suis pourtant passionnée de lecture et monitrice, mais là vraiment, j’ai eu du mal et ne suis pas allée au bout de cette lecture. Ton article me donne envie de retenter l’expérience, j’y reviendrai peut être 🙂

    A l’époque, j’ai trouvé plus de plaisir avec « Les fondamentaux du travail aux longues rênes » de Laurence Grard-Guénard. Moins complexe, plus accessible et plus facile à mettre en pratique. Si ça peut donner envie à des cavaliers de tout niveau, c’est un excellent ouvrage !

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